Lutte contre le blanchiment de capitaux : les nouvelles obligations des bureaux de change

Le Maroc poursuit ses efforts de lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT). Objectif : se conformer aux standards internationaux, notamment les normes du Groupe d’action financière (GAFI). Ainsi, l’Office des changes a publié une nouvelle circulaire qui porte sur les obligations des sociétés de change de devises en matière de vigilance et de veille interne. Cette circulaire, dont la publication s’inscrit dans le prolongement des actions engagées par l’Office des changes pour la mise en œuvre de la feuille de route pour la période 2021-2022, tient compte des recommandations du GAFI et des amendements de la loi n°43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et des textes pris pour son application. Ainsi, concernant l’identification et connaissance des clients habituels, des clients occasionnels et des bénéficiaires effectifs, l’Office indique que la société de change de devises est tenue de recueillir et de vérifier les éléments d’information permettant l’identification des clients et bénéficiaires effectifs qui souhaitent recourir à ses services. Il s’agit notamment de toutes les opérations de vente de devises, toutes les opérations d’achat de devises identifiées comme à risque, peu importe le montant.

Ceci concerne également toutes les opérations d’achat de devises dans le cadre de relation d’affaires et enfin les opérations d’achat de devises, dont la contrevaleur est supérieure ou égale à 100.000 DH. La circulaire précise également que «préalablement à l’entrée en relation d’affaires, la société de change de devises doit établir une fiche de renseignements au nom du client, au vu des données portées sur les documents d’identité officiels délivrés par l’autorité marocaine habilitée ou par une autorité étrangère compétente. Ces documents doivent être en cours de validité et porter la photographie du client». La fiche client doit, en outre, obligatoirement porter le nom et prénom du client, sa date de naissance, son adresse exacte et le numéro de la carte nationale d’identité électronique pour les nationaux ou la nationalité et le numéro de la carte d’immatriculation ou le titre de séjour pour les étrangers résidents ou encore la nationalité et le numéro de passeport pour les étrangers non résidents.

À ces données s’ajoutent les informations sur l’origine des fonds. Tous ces éléments ainsi que la fiche de renseignement doivent être classés dans un dossier ouvert au nom du client. Par ailleurs, l’entreprise de change de devises est tenue de veiller à la mise à jour régulière des documents, données et informations clients en fonction de la typologie des risques liés aux relations d’affaires. Toutefois, la circulaire précise qu’à l’exception des cas de soupçon de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, la société de change de devises peut appliquer les mesures de vigilance simplifiées pour l’identification des clients.

Ces dernières portent sur la vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif après l’établissement de la relation d’affaires ainsi que la réduction de la fréquence des mises à jour des éléments d’identification du client. Cependant, «lorsque la société de change de devises doute de la véracité ou la pertinence des données d’identification du client habituel ou du bénéficiaire effectif précédemment obtenues, elle doit prendre des mesures de vigilance appropriées à l’égard de cette relation d’affaires». Le cas échéant, si l’entreprise n’est pas en mesure de respecter les mesures de vigilance, elle doit s’abstenir d’établir la relation d’affaires et mettre fin à celle déjà établie. «Dans ces deux cas, la société de change de devises est tenue de faire, sans délai, une déclaration de soupçon à l’Autorité nationale du renseignement financier». À noter que la société de change de devises est tenue de se conformer aux décisions de la Commission nationale chargée de l’application des sanctions prévues par les Résolutions du conseil de sécurité des Nations unies relatives au terrorisme, à la prolifération des armes et à leur financement. Elle doit également «procéder aux vérifications nécessaires sur les listes publiées par ladite commission au Bulletin Officiel et sur son site électronique et s’abstenir d’établir une relation d’affaires ou d’effectuer toute opération avec les personnes figurant sur ces listes, et ce jusqu’à radiation de ses personnes des listes précitées».

Suivi et surveillance des opérations

Les clients des sociétés de change de devises doivent être classés par catégories selon la typologie des risques qu’ils représentent. Les clients présentant un risque élevé sont ceux identifiés en tant que tel par la société de change de devises, les personnes politiquement exposées, les ressortissants ou résidants de pays présentant un risque élevé de blanchiment de capitaux ou financement du terrorisme ou encore les personnes physiques de pays pour lesquels le GAFI appelle à des mesures de vigilance renforcées. Ces dernières consistent en la collecte d’informations supplémentaires sur le client, l’obtention d’informations sur les raisons des opérations envisagées ou réalisées, l’obtention de l’autorisation des dirigeants, avant l’entrée en relation ou sa poursuite et enfin la tenue des dirigeants informés régulièrement sur la nature et le volume des opérations effectuées.

Conservation des documents

L’Office des changes incite les sociétés de change de devises à conserver pendant une durée de dix ans tous les documents relatifs aux opérations effectuées à compter de la date de leur réalisation. Elles doivent, aussi, garder, pendant 10 ans également, tous les documents obtenus dans le cadre des mesures de vigilance relatives aux clients habituels, occasionnels et autres bénéficiaires effectifs, et ce à compter de la date de cessation de la relation. Les résultats des analyses et vérifications menées sur les opérations réalisées et les documents y afférents doivent également être conservés pendant 10 ans à partir de la date de leur production. À noter, par ailleurs, que les sociétés de change de devises, leurs dirigeants et agents qui manquent à leurs obligations peuvent être condamnés à la sanction pécuniaire prévue par la loi n°43-05 du code pénal.